La prospective stratégique en renfort de la planification stratégique traditionnelle

INTRODUCTION

La prospective stratégique s’impose de plus en plus comme un complément essentiel à la planification stratégique dans les organisations publiques, philanthropiques et communautaires. Pourtant, dans la majorité des cas, c’est encore la planification stratégique qui structure la réflexion

En effet, le concept de planification stratégique est désormais bien connu dans les organisations publiques, philanthropiques et communautaires. Dans celles qui sont dotées d’un plan stratégique triennal ou quinquennal, le processus d’élaboration est généralement bien rodé : dans l’année précédant l’échéance du plan, la démarche est initiée assez tôt pour que l’organisation soit prête à enchainer sur la suivante.

Pourtant, combien de ces plans minutieusement élaborés se retrouvent dépassés avant même leur échéance ? Combien d'organisations ont vu leurs priorités balayées par une pandémie, une crise climatique, une transformation technologique ou un bouleversement politique imprévu ?

Ce n'est pas que la planification stratégique soit devenue inutile. C'est plutôt qu'elle ne suffit plus à elle seule. Dans un monde marqué par l'incertitude radicale et les ruptures systémiques, elle doit être complétée par une autre approche : la prospective stratégique.

Logiques différentes, approches complémentaires

La planification stratégique repose sur une promesse rassurante : celle d'un avenir relativement prévisible. On regarde l’environnement actuel, on définit une vision claire et on identifie des étapes pour s’y rendre.

Son processus est bien balisé : diagnostic organisationnel, analyse FFOM (forces, faiblesses, opportunités, menaces), définition d'orientations stratégiques, déclinaison en objectifs SMART…

La prospective stratégique a une logique différente : elle ne vise pas à planifier le futur mais à le préparer en explorant plusieurs futurs plausibles. Elle s'intéresse aux tendances lourdes qui transforment lentement mais profondément nos sociétés, tout autant qu'aux signaux faibles – ces changements encore marginaux qui pourraient devenir les tendances majeures de demain.

En se basant sur ces éléments, l’approche de la prospective stratégique est de construire des scénarios contrastés qui permettent par la suite d’identifier des stratégies robustes, c’est-à-dire qui permettent de préparer l’organisation du mieux possible quel que soit le scénario.

Loin de s'opposer, ces deux démarches se renforcent mutuellement. La prospective stratégique agit en complément de la planification, comme un espace d'exploration et de questionnement. Elle révèle les angles morts, identifie les vulnérabilités et fait émerger des options stratégiques auxquelles on n'aurait pas pensé.

Des exemples concrets

Prenons l'exemple d'un tribunal judiciaire de première instance. Un exercice de prospective l'amènerait à explorer des questions comme :

  • Comment la désinformation généralisée et l'intelligence artificielle transformeront-elles la nature même des preuves et la confiance envers les institutions judiciaires ?

  • Comment le vieillissement démographique affectera-t-il le volume de certains types de litiges – tutelles, successions, abus envers les aînés – et notre capacité à y répondre avec des délais raisonnables ?

Autre exemple pour un organisme spécialisé en sécurité alimentaire :

  • Quelles grandes transformations démographiques, technologiques, climatiques ou sociales pourraient affecter sa mission dans 10 ou 15 ans ?

  • Comment l'intensification des événements climatiques extrêmes affectera-t-elle la capacité des jardins communautaires à produire de la nourriture ?

  • Si les canicules, les sécheresses ou les pluies diluviennes deviennent la norme, le modèle actuel d'agriculture urbaine en pleine terre reste-t-il viable ?

Les scénarios deviennent des outils pour tester la robustesse de certaines hypothèses :

  • Notre plan fonctionne-t-il dans tous ces futurs possibles ?

  • Quels éléments sont robustes peu importe le contexte ?

  • Lesquels sont fragiles et mériteraient d'être repensés ?

  • Quelles capacités devrions-nous développer maintenant pour être prêts à naviguer plusieurs futurs ?

La prospective stratégique intégrée au cycle de réflexion stratégique

L'enjeu n'est donc pas de choisir entre planification et prospective, mais de les intégrer dans une pratique cohérente. De la planification stratégique traditionnelle, nous gardons la collecte de données, l’implication des parties prenantes (employé(e)s, membres, clients…) dans la réflexion, ainsi qu’un document de suivi.

De la prospective stratégique, nous ajoutons la réflexion en continu, la création de scénarios et la mise en place d’outils de suivi dynamique et partagés.

Nous passons donc d’un processus linéaire de planification stratégique à un cycle continu de réflexion stratégique, qui intègre les outils et l’état d’esprit de la prospective stratégique.

Nous vous présentons un visuel qui résume à quoi pourrait ressembler ce nouveau cycle :

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